Python - Chapitre 1

 

Avertissement: ce roman est pour public averti (R18)

 

 

Le shou (NT : uke, le protagoniste passif) avait un petit ami destiné à être un personnage chair à canon (NT : personnage secondaire malchanceux). Ils s’étaient rencontrés à l’université, avaient commencé à sortir ensemble en troisième année, et leur relation avait continué après la remise des diplômes. Tous deux travaillaient dans la même ville et entretenaient encore une relation amoureuse stable.

Mais ils ne vivaient pas ensemble. L’entreprise du shou était un peu excentrée, et il devait souvent faire des heures supplémentaires jusqu’à tard dans la nuit. Il avait donc loué un appartement près de son bureau, ne rejoignant son petit ami que le week-end.

Ce samedi-là, le shou venait tout juste d’arriver chez son copain, à peine le temps de partager un repas, qu’il fut rappelé d’urgence au travail.

Coincé dans une rame de métro étouffante, il s’excusa au téléphone.

Mais le petit ami, furieux, lui reprocha d’être trop froid, de ne penser qu’à son travail, et de ne jamais faire le moindre sacrifice par amour.

Puis il raccrocha brutalement.

Le shou se sentit terriblement blessé. Il savait qu’il n’était pas doué pour exprimer ses émotions, mais il se souciait sincèrement de lui.
Alors il décida de faire un compromis : une fois ce trimestre terminé, il déménagerait pour vivre chez son petit ami.

Cela lui ferait au moins trois heures de trajet chaque jour, et s’il faisait des heures supplémentaires le soir, sans métro, il devrait rentrer en taxi — perdant ainsi la moitié de son salaire supplémentaire.
Mais il ne lui dit rien de tout cela. Il pensait que ces sacrifices étaient normaux.

Le shou travaillait comme programmeur dans une société prestataire, avec un rythme de 9h-22h, six jours sur sept — heureusement, il n’était pas encore chauve.

Parmi tous les développeurs, il faisait plutôt bonne impression physiquement.
Aussi ce jour-là, quand le service commercial chercha un consultant technique pour accompagner une présentation client, le responsable technique le désigna sans hésiter.

Le commercial l’invita donc à se rendre chez le client pour présenter des solutions. Le shou ne comprenait pas trop pourquoi on l’avait choisi, et le commercial lui expliqua que la société cliente était une marque de mode, assez exigeante en matière d'attractivité du visage.

Ce fut donc la première fois qu’il représentait son équipe en personne. Il était nerveux et passa plus de deux semaines à préparer son exposé et ses supports.

Résultat : il n’eut plus du tout de temps pour aller voir son copain chair à canon.

Celui-ci, cette fois, ne se plaignit même pas. Le shou pensa qu’il devait l’avoir blessé, mais n’avait pas le temps d’expliquer.
Il se dit que bientôt, puisqu’ils allaient vivre ensemble, il aurait tout le temps de se rattraper.

Le jour de la présentation, il quitta sa chemise à carreaux habituelle pour enfiler un costume qu’il n’avait pas porté depuis longtemps.
Son sac à dos noir sur les épaules, il se rendit dans les bureaux du client, situés dans le quartier le plus chic de la ville.

Là, les employés allaient et venaient, tous jeunes, élégants et dynamiques.
Le shou baissa les yeux vers sa tenue — costume et baskets — et se sentit affreusement provincial.

Il suivit le commercial dans la salle de réunion. Tout le monde était déjà assis. Au centre se trouvait un homme d’une trentaine d’années.

Le chef de projet du client le présenta : « Voici notre directeur adjoint. »

Ce dernier avait l’air difficile à approcher : jeune, impeccablement vêtu d’une chemise blanche et d’une cravate bien nouée, lunettes à monture métallique à demi cerclées, visage aux traits nets et froids, sans la moindre expression.

Lorsque le shou commença à exposer l’architecture technique, le directeur adjoint le fixa à travers ses verres.
Sous cette pression invisible, le shou sentit sa voix trembler légèrement, malgré toutes ses répétitions.

Heureusement, il maîtrisait bien son sujet. Malgré le trac, sa présentation se déroula sans incident.

En sortant, soulagé, il croisa le directeur adjoint dans l’encadrement de la porte — juste au moment où celui-ci baissait les yeux vers ses baskets.

L’homme esquissa un sourire imperceptible.

Le shou sentit son cœur se serrer. Il venait clairement d’être moqué.

 

À la sortie du bâtiment, le commercial appela leur manager pour louer les compétences du shou, tout en assurant avec confiance que ce projet était pratiquement gagné.

Le shou demanda, intrigué : « Pourquoi tu dis ça ? »
Le commercial répondit avec enthousiasme : « Parce que j’ai vu le directeur adjoint sourire avant qu’on parte ! C’est bon signe, non ? »

Le shou se contenta de baisser les yeux en se frottant le nez. Il se dit que ce commercial n’était pas très fiable.

Il prit quelques heures de congé et alla se promener dans le centre commercial voisin. Il voulait s’acheter une paire de chaussures habillées, plus présentables.

Mais en passant devant une enseigne de fast fashion, il ne put s’empêcher d’entrer… et ressortit avec — encore — une chemise à carreaux.

La marque offrait ce jour-là une casquette gratuite pour tout achat. Les belles couleurs étaient déjà parties, il n’en restait qu’une verte. (NT : le vert est la couleur de la tromperie en slang chinois)
Le shou hésita, mais la vendeuse insista : « Prenez-la, sinon c’est gâché. À la rigueur, donnez-la à votre copain. »

Alors il la prit.

 

Traduction: Darkia1030