Strong winds - Chapitre 109 - Son Altesse Royale le Prince Xiao contre le vieil homme à la barbe blanche, victoire !

 

Cette nuit-là, Liu Nanyuan retint expressément Cheng Suyue dans sa chambre. Elle avait trop de questions à poser à propos de son deuxième frère, concernant la médecine, concernant le prince, et les deux jeunes filles, une fois la porte refermée, commencèrent leur pépiements d’oiseaux nocturnes (NT : bavardage nocturne).

Quand Gao Lin eut vent de cela, il se sentit de nouveau extrêmement rassuré, allant jusqu’à vouloir se tenir dehors, à la lueur jaune de la lampe, les mains derrière le dos, le regard profond et sentimental — mais il n’en eut pas l’occasion, car avant même d’avoir fait deux pas, un immense épervier azuré tourbillonna depuis le ciel et se posa juste devant lui. Ses yeux d’un rouge sanglant tournèrent d’un mouvement sinistre et menaçant.

Un tube de bambou était attaché à sa patte, Gao Lin sortit la lettre scellée à la cire, et se précipita pour la remettre à Liang Shu, demandant : « Prince, que faire ? »

« Dans cinq jours, nous remettrons l'argent et ils remettront la personne. »

« Mais comment allons-nous faire la livraison ? » Gao Lin était perplexe. « Le lot d’argent, transporté par chariots, s’étendrait majestueusement sur plus de dix li » .

« La lettre n’indique rien, elle se contente de nous dire de préparer les affaires. Le cinquième matin, un épervier azuré apportera de nouvelles instructions. » répondit Liang Shu.

« Mystification et ruse ! » s’exclama Gao Lin. « Bloquer le temps ainsi, c’est pour éviter que si nous connaissions l’endroit à l’avance, puissions nous préparer. »

« Le fait qu’ils ne le disent pas ne signifie pas que nous ne pouvons pas deviner. » nota Liang Shu . « Si une telle quantité d’or et d’argent était échangée sur le sol, nos troupes pourraient à tout moment la reprendre de leurs mains. La transaction finale ne sera donc jamais si simple. »

« Si le sol est interdit, alors il ne reste que l’air ou le sous-sol. » conjectura Gao Lin. « Ils n’auraient quand même pas dressé des milliers d’ éperviers azurés pour transporter le trésor en vol ? »

« Théoriquement, c’est faisable, mais cette possibilité est extrêmement mince. » Liang Shu lui tapota l’épaule. « Concentre-toi plutôt sur le sous-sol. »

Gao Lin ne comprit pas tout de suite : « Sous-sol ? Faut-il creuser des tunnels ? »

L’ épervier azuré s’éleva de nouveau dans les airs avec la réponse et disparut bientôt dans la noirceur de la nuit. Liang Shu retourna à son logement. Xiu Xian dormait déjà, sa couverture pendait à moitié sur le marchepied, une jambe croisée sur l’autre, tenant dans sa main une perle lumineuse, sans qu’on sache comment il l’avait arrachée de la lampe.

« Prince. » A-Ning se leva, les yeux encore embués de sommeil.

« Retourne te reposer. » ordonna Liang Shu. « Je l’accompagne. »

A Ning ajouta.« Faites en sorte de le réveiller tôt demain matin. Il doit accompagner la Troisième Demoisell e pour l’ascension de la montagne. »

« Bien. » Liang Shu écarla sa robe extérieure et dit : « Je m’en occupe. »

Un serviteur apporta discrètement l’eau du bain, le bruit « glou-glou » se transforma dans le rêve du Deuxième Jeune Maître Liu en une immense cascade, la brume humide enveloppant son cou et ses joues de façon désagréable. Il leva la main pour s’essuyer, mais un poignet fut saisi.

« Ne bouge pas, laisse-moi t’embrasser un instant. » dit Liang Shu.

Liu Xian’an ouvrit les yeux à demi, regarda un moment, puis les referma.

Cette réaction d’ennui et de somnolence restait adorable aux yeux de Liang Shu. Il effleura le bout de son nez avec le dos de son doigt, de plus en plus réticent à laisser dormir l’autre. Liang Shu, qui n’avait jamais vraiment besoin de repos, se sentait plein d’énergie en présence de l’être aimé, pensant que même sans rien faire, le regarder toute une nuit serait suffisant. Tout en y pensant, il se pencha pour se frotter contre lui ; leurs nez se touchèrent à peine que Liang Shu sentit une douleur sourde dans sa poitrine.

Il relâcha soudainement ses bras, grogna sourdement, et s’effondra sans prévenir.

Le Deuxième Jeune Maître Liu, dans sa cascade imaginaire, fut projeté en arrière. Il toussa confusément, tandis que Liang Shu, endurant l’inconfort, le remit dans ses bras : « Rien, dors. »

Mais Liu Xian’an n’était pas si facile à tromper. Il ferma les yeux, tâtonna et s’éveilla aussitôt, assis droit : « Pourquoies-tu couvert de sueurs froides ? »

Liang Shu admit : « Une vieille blessure s’est réveillée. Avec un peu de repos, ça ira. »

Liu Xian’an saisit son poignet pour prendre son pouls, plus rapide que d’habitude. Sans même avoir le temps de s’habiller, il courut sur le plancher en bambou pour prendre sa trousse d’acupuncture et se prépara pour la préparer soigneusement. Liang Shu, appuyé sur un bras sur le chevet, malgré la vieille blessure, ne laissa pas sa concentration se détourner de l’être aimé ; ses yeux se posèrent malgré lui sur ces pieds nus et blancs, pouvant marcher sur le plancher et « marcher sur son propre cœur ».

Liu Xian’an retourna au bord du lit et, de son dos de main, toucha le front de Liang Shu : « Ton visage est si rouge, ça fait mal ? »

« Pas beaucoup ici, » répondit Liang Shu, « C'est un peu inconfortable ailleurs.»

Liu Xian’an, toujours tenu par sa main, appuya distraitement. Liang Shu, d’une audace extrême, trouvant normal de réagir ainsi face à la beauté en vêtements souples et parfumée, le tira dans ses bras, saisit sa cheville et baissa la tête pour l’embrasser.

Liu Xian’an, surpris, réagit en se défendant avec une aiguille, faisant frissonner le Prince, et retira son pied : « Allonge-toi ! »

Liang Shu sourit malgré la douleur, s’allongea sur le dos : « Je ne te taquine plus, vas-y. »

Liu Xian’an essuya la sueur froide sur ses cheveux avec le dos de sa main, sans prêter attention aux provocations de l’autre, inquiet. Il ne pouvait diagnostiquer cette vieille blessure seul ; même le Frère aîné disait qu’il suffisait de se reposer, mais maintenant Liang Shu n’avait pas le temps, devant traîner jour après jour. Liu Xian’an calcula l’intervalle entre deux récidives, fronça les sourcils : « Non, le Prince doit se reposer un moment. »

« Se reposer, oui, mais au moins rappelle-moi de ramener Ku You et A-Chang. » Liang Shu tendit la main, invitant l’autre à se blottir contre lui : « Même si je me lève tôt et me couche tard, je dors un peu pendant la journée au camp, pas besoin de penser que je suis occupé du matin au soir. »

« Tu trouves toujours une excuse. »

« Comment cela serait-il une excuse ? » Liang Shu se redressa en souriant et le cajola : « Allez, mon cœur, ne sois pas en colère. Demain, je n’irai nulle part, je resterai dans ma chambre à dormir, ça ira, n’est-ce pas ? »

« Jusqu’à midi. »

« Bien, jusqu’à midi. »

Liu Xian’an rangea alors ses affaires et se recoucha, posant sa tête contre la poitrine de Liang Shu pour écouter attentivement les battements de son cœur. Après tout ce remue-ménage, il n’avait plus sommeil. Dans son esprit, il calculait déjà comment soigner cette personne par la suite, réfléchissant toute la nuit à abandonner tous ses amis des trois mille mondes au bord de la cascade, ne s’en souciant plus — si le Prince Xiao savait à quel point il avait remporté une victoire absolue sur les vieilles barbes blanches, il aurait sans doute été émerveillé sur-le-champ.

Ce n’est qu’au matin qu’il s’endormit, épuisé par la veille.

Bien qu’il ait convenu avec sa sœur de « gravir la montagne à pied », il était désormais clair que ce projet serait impossible aujourd’hui. A-Ning dit avec un air désolé : « Troisième Demoiselle, mon maître dort encore. Le Prince a dit qu’il s’occuperait de le réveiller, mais… je n’ose pas entrer. »

« Non, ce n’est pas nécessaire, surtout ne le dérange pas, laisse-le bien dormir. » Après une nuit entière d’histoires et de confidences, Liu Nanyuan avait élevé son deuxième frère au même rang qu’un immortel solitaire des monts Zhongnan. « Pas de montagne aujourd’hui, quelle montagne ? Écrire une lettre est plus important. »

Elle entraîna Cheng Suyue dans le bureau pour consigner toutes les actions de son frère dans la lettre familiale. Le bureau de Liang Shu ne pouvait évidemment pas être utilisé, il fallut se contenter d’un petit bureau annexe, où le papier était râpé, l’encre sèche, les pinceaux de poils de loup explosant comme des feux d’artifice. Quelques livres semblaient avoir été déterrés d’une mare de boue. Cheng Suyue commenta : « Ku You n’aime vraiment pas lire. »

Liu Nanyuan demanda : « Sur le chemin, j’ai entendu beaucoup de choses à propos du Commandant Ku. Quel genre d’homme est-il ? »

« Lui… » Cheng Suyue réfléchit et décrivit le plus fidèlement possible : « Il a un visage empreint de dureté, ne sourit jamais, son corps est robuste et grand, il n’aime pas lire, passe son temps à tirer à l’arc sous le soleil brûlant, il est doté d’une force surhumaine, mange prodigieusement. Une fois, encerclé dans le désert pendant trois jours, il a continué à tuer l’ennemi en ne buvant que de l’eau. En résumé, il ressemble beaucoup au Prince dans de nombreux aspects, sauf que son caractère est plus honnête. »

« Waouh ! » s’exclama Liu Nanyuan.

« Waouh quoi ? »

« Rien, rien. »

***

Ayant été remarqué par deux belles jeunes filles, le Commandant Ku éternua dans le camp ennemi, stupéfait de cette attention.

On entendit des pas à l’extérieur, et peu après, la porte s’ouvrit.

Ku You demanda : « Vous êtes le jeune maître Feng ? »

Feng Xiaojin le regarda. « J’ai entendu dire que vous vouliez conclure un petit marché avec moi. Parlez. »

Ku You répondit calmement : « Je souhaite demander au jeune maître Feng d’aider le Prince à anéantir la secte BafFu. »

Feng Xiaojin ricana : « Rêves d’imbécile. »

« Le jeune maître Feng peut proposer ses conditions. » Ku You ajoua, « nous ne sommes pas nécessairement incapables de négocier. »

« Dans ce monde, je n’ai aucun attachement, quand le moment viendra, je partirai naturellement. » Feng Xiaojin poursuivit. « Je n’ai rien à désirer, il n’y a donc aucune condition à poser. Le Commandant Ku sera sans doute déçu. »

« Et les deux frère et sœur de la famille Wumeng ? »

« Ils me suivront aussi, le Commandant Ku n’a pas à s’inquiéter. »

« Et si nous ne pouvons pas partir ? »

« Ne pas partir ? Que veux-tu dire par là ? »

« La Sainte Vierge de la secte Baifu a toujours utilisé sa beauté exceptionnelle pour séduire ses fidèles. » expliqua Ku You. « La beauté est son arme et le piège qui peut la plonger dans un abîme sans fin. Feng Xiaojin et moi savons que, pour Mu Zhe, elle n’est qu’un outil insignifiant. Puisqu’elle est un outil, elle peut être jetée à tout moment, et offerte en sacrifice selon notre volonté. »

La main de Feng Xiaojin se serra légèrement : « Cet homme de Nanyang… »

***

Wumeng Yunle, assise devant le miroir, retirait couche par couche la gaze enroulée autour de ses doigts. Le rouge vif du vernis masquait ses ongles bleuâtres et brillait sous le soleil. Elle s’admira un moment et demanda : « Ses yeux ne vont-ils toujours pas mieux ? »

« Non. » répondit la servante.

« Ce n’est pas grave. » dit Wumeng Yunle. « De toute façon, je peux voir son visage. »

La servante la prévint, « Mademoiselle, si ces paroles parviennent aux oreilles du chef, vous serez sans doute punie. »

« Mais j’aime le voir. » persista Wumeng Yunle. « C’est l’homme le plus beau que j’aie jamais vu, plus beau que mon oncle, plus beau que mon frère, comme un bloc de glace au sommet d’une montagne de neige, dommage qu’il ne sache pas sourire. »

Les servantes ne prêtaient guère attention à ce premier émoi amoureux, se contentant de noter chaque mot pour le rapporter au chef.

Elles n’avaient jamais considéré ce joli canari doré comme leur maîtresse ; derrière leur apparente déférence se cachait uniquement mépris et condescendance.

(NT : canari doré : personne esthétiquement attrayante, mais physiquement ou émotionnellement vulnérable. et dépourvue de vrai pouvoir )

 

Traducteur: Darkia1030