Weird disciple - Chapitre 2 - Le bon vieux temps

 

Xie Yi trébucha sur ses pieds, se rattrapant pour garder l’équilibre. C’était étrange d’être à nouveau si minuscule, et son corps était si maigre qu’il avait du mal à se tenir debout. Et son estomac lui faisait toujours si mal… Oh, non, c’était la faim. C’était la faim. Il avait faim. Terriblement.

Ses petites mains sales tapotaient son ventre, déjà creusé par le manque de nourriture depuis si longtemps, tordu de douleur.

Il était minuscule, il était faible, tout lui semblait familier. Cela… n’était-ce pas son enfance ? Avant que les anciens ne le recueillent ? Mais comment était-ce possible, maintenant ? Et pourtant, le voilà, affamé, minuscule et faible. Pas un pratiquant, pas une personne puissante. Juste un petit rat des rues.

Hébété, Xie Yi fixa la rue. Les gens couraient partout, parlaient joyeusement et faisaient des achats. Les étals de nourriture sentaient délicieusement bon, quelque chose qu’il n’avait jamais pu avoir enfant.

… Maintenant qu’il y pensait, il les avait tous détruits une fois adulte, en punition pour l’avoir ignoré quand il était petit. Les anciens avaient dit qu’ils le méritaient, mais en y repensant, ça devait être une chose terrible.

Shi Yue disait que tuer, c’était mal. Donc ça devait certainement l’être.

Hmm, pas qu’il puisse leur faire quoi que ce soit maintenant, de toute façon. Tout son pouvoir avait disparu, toute sa cultivation péniblement acquise. Il était redevenu minuscule, faible et sale, et affamé. Mais… il n’était pas couvert de sang. Et c’était plutôt agréable. Peut-être que ce n’était pas si mal, comme ça.

Quoi qu’il en soit, sa première priorité serait de trouver de la nourriture. Sans nourriture, il ne pourrait pas grandir et retrouver Shi Yue. Il aurait aussi besoin de vêtements propres, parce que Shi Yue aimait les gens propres. Donc, en gros, il lui faudrait un « travail », non ? Parce que voler, c’était mal, et autant qu’il sache, la plupart des gens travaillaient, et travailler était une chose respectable. C’était pour ça qu’il en avait besoin.

… Et probablement quelqu’un pour lui expliquer comment tout fonctionnait. Mais peut-être qu’ils seraient encore des menteurs, ce qui serait mauvais, mais il ne pouvait pas trouver Shi Yue pour l’instant…

Quel cercle vicieux. Il devrait prendre le risque.

D’un pas chancelant, Xie Yi avança, enroulant ses bras autour de son estomac douloureux et regardant autour de lui sous sa frange.

Quel genre de travail une petite chose comme lui pouvait-elle faire ? Et qui voudrait de lui ?

L’enfant en haillons fixa la rue, pensif. Voler, ce n’était pas bien, parce que ça avait rendu Shi Yue fou.

Les étals de nourriture ne voudraient probablement pas de lui dans les parages, vu qu’il était trop sale. Un travail qui n’était pas trop propre serait mieux pour l’instant. Ça ne pouvait pas être trop lourd non plus, vu sa faiblesse. Nettoyer, peut-être… ?

Silencieux, restant dans les coins et sur les côtés, Xie Yi se fraya un chemin à travers le marché, évitant les adultes agacés qui le bousculaient et les chariots occasionnels. C’était lent et épuisant, mais il n’avait pas le temps qui le pressait. Tant qu’il était en vie, il pouvait s’en sortir. Pas la peine d’y penser trop.

Les oreilles dressées, il écoutait les conversations des propriétaires d’échoppes et de magasins, tout en faisant de son mieux pour ne pas se faire remarquer.

Enfin, il s’arrêta devant une forge dont le propriétaire jurait. Un gros ours, pour ainsi dire, aux épaules larges et au visage buriné, marqué de plusieurs petites cicatrices de brûlures sur ses bras musclés.

L’homme était à genoux, essayant de nettoyer son fourneau.

Xie Yi le reconnut — sa forme étrange était courante pour fabriquer des armes spirituelles de bas niveau. Courante, car même si cela facilitait la forge, c’était un énorme casse-tête à gérer. Non seulement c’était encombrant, mais ça comportait aussi toutes sortes de courbes et de détours, ce qui le faisait ressembler davantage à une œuvre d’art qu’à un fourneau. Il était aussi très capricieux quand il n’était pas nettoyé régulièrement et endommageait facilement le produit si des résidus de matériaux restaient coincés dans les nombreux tuyaux.

Les yeux de Xie Yi s’illuminèrent.

« Excusez-moi ? » appela-t-il prudemment, essayant de garder une voix douce et enfantine. Il avait entendu des gens du commun dire que sa voix était effrayante, et la dernière chose qu’il voulait, c’était de paraître comme un mauvais enfant. De plus, comme ça, il espérait paraître plus poli. « Puis-je vous aider ? »

L’homme leva les yeux, ses yeux bruns et sévères détaillant l’enfant apparu à l’entrée de sa forge, jetant un coup d’œil vers lui depuis le coin de la rue. Il connaissait bien les jeunes qui venaient chercher du travail, même s’ils étaient généralement bien plus âgés que ce petit morveux.

Il se releva, dominant l’enfant qui leva les yeux vers lui sans crainte. Ses yeux étaient rougeâtres et vides, comme si le garçon se moquait bien de la présence de quelqu’un devant lui. En même temps, il trouva ça satisfaisant. Si l’enfant avait eu peur, ça aurait été agaçant.

Il désigna le fourneau. « Tu peux ramper à l’intérieur et le nettoyer ? »

Le garçon hocha la tête avec détermination. « Ce n’est pas un problème. Je vais bien le nettoyer.»

Puis il inclina la tête, fixant l’homme qui éclata d’un sourire amusé qui lui donnait l’air d’un boucher. « Bien. Tu auras ton paiement une fois que je serai sûr que tu as fait du bon travail. »

Puisque espérer que l’homme tiendrait parole était sa meilleure chance, Xie Yi hocha une nouvelle fois la tête et se mit immédiatement à ramper par l’ouverture du fourneau pour entrer à l’intérieur. Il faisait sombre et étouffant, les épaisses parois du fourneau lui donnant l’impression d’être dans un cercueil.

Xie Yi cligna des yeux. Hmm, il y avait pire.

Attrapant la brosse qui traînait encore par terre devant le fourneau, il se mit au travail.

D’abord, il fallait gratter les couches épaisses des noyaux de bêtes pulvérisés. Xie Yi savait que c’était encore utilisable, alors il sortit proprement les morceaux brisés, ce qui lui valut un son surpris mais reconnaissant de l’homme, qui ne s’attendait pas à ce qu’il en reste encore à l’intérieur du fourneau après qu’il ait commencé à le nettoyer grossièrement.

Ensuite, il fallait utiliser la brosse pour enlever la substance collante et séchée qui se retrouvait plaquée contre les parois après la petite explosion qu’une arme finie provoquait. La boue résiduelle après la finition était repoussée par l’arme, signe d’une forge réussie, mais aussi assez pénible à gérer.

Pendant plus de deux heures, Xie Yi rampa dans le fourneau et glissa ses bras minces dans les tuyaux, forçant la brosse sur les surfaces jusqu’à ce que ses bras lui fassent mal. Il devait faire le travail correctement, comme quand il nettoyait son propre fourneau à la maison. C’était important.

Haletant, il commença à balayer la saleté vers l’extérieur avant de se traîner à l’air libre, s’asseyant par terre comme un chiot épuisé.

Le voyant émerger, l’homme trapu s’approcha et se pencha pour jeter un coup d’œil dans le fourneau, poussant un grognement satisfait. « Bien », loua-t-il d’un hochement de tête calme. « Gamin, je suppose que tu cherches un travail permanent ? »

« Mh », répondit Xie Yi entre deux halètements, se frottant le visage avec son bras. La poussière lui brûlait les yeux, mais son bras n’était pas plus propre et il ne fit qu’étaler la saleté.

En regardant le garçon ressemblant à une poupée, assis par terre, l’homme secoua simplement la tête pour lui-même. Il n’était pas une œuvre de charité, mais il n’avait rien contre payer pour un bon travail. S’il pouvait aider un gosse des rues sans y perdre, tant mieux. Il avait un petit faible pour les enfants.

Une grande main rugueuse attrapa Xie Yi par le col et le souleva. Surpris, Xie Yi resta immobile, se laissant porter, ne sentant aucune hostilité chez l’homme. De toute façon, il ne pouvait pas vraiment se débattre.

« Allons te trouver des vêtements décents et quelque chose à manger. Ça ne te dérange pas que ce soit ton salaire, hein ? » demanda l’homme, emmenant Xie Yi dans une petite pièce à l’arrière. Il y avait quelques meubles et un seau d’eau où les ouvriers pouvaient se nettoyer un peu.

Xie Yi ne répondit pas. L’homme n’aurait pas écouté ses mots de toute façon.

« Tu pourras dormir dans un coin. Je te donnerai à manger, et en échange, tu garderas les fourneaux propres pour moi et tu feras tout ce que je te demanderai. Si tu as une bonne raison de refuser une tâche, tu peux me le dire, mais je ne te permettrai pas de te la couler douce. Tu m’as compris ? »

« Mh. » Un autre son d’assentiment étouffé. Le forgeron était une bonne personne aux yeux de la plupart des gens. Xie Yi ne comprenait pas tout à fait, mais il sentait que l’homme n’était pas hostile et que la tape sur la tête, bien que rugueuse, était un geste qu’il voyait souvent les adultes faire aux enfants qu’ils aimaient bien. Donc, il n’était probablement pas si mauvais.

Le garçon était un peu inquiet. Aah… Il ne se faisait pas avoir, encore une fois ? Il ne pourrait même pas se débarrasser de l’homme s’il le voulait. Quelle corvée. Même si, en dernier recours, il pouvait toujours lui trancher la gorge pendant son sommeil. Il y avait plein d’armes autour, après tout.

Ignorant totalement le genre de démon qu’il venait d’introduire chez lui, le propriétaire trapu regarda son nouvel employé avec satisfaction.

 

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Note de l’auteur

Gardez à l’esprit que cette histoire tourne autour de quelqu’un à qui on a enseigné une version très étrange du « bon sens » ! Il apprend et évolue, mais ça prend du temps !

 

Traduction: Darkia1030