Strong winds - Chapitre 111 - Voyou cruel

 

Dans une chambre entièrement drapée de voiles de gaze, des flammes de chandelles tremblantes allumées avec inquiétude projetaient leur lumière vacillante ; la nuit avait déjà englouti la majeure partie de leur éclat, ne laissant dans la pièce qu’une faible lueur jaunâtre et diffuse. Le vent fit tinter les clochettes d’argent, un son menu et intermittent, imprégné du bruit de l’eau ; il suffisait de fermer les yeux pour se rappeler les bateaux de plaisance qui voguaient sur la Qinhuai cette année-là. Le parfum avait été spécialement ajusté : il ne ressemblait en rien à l’immense mer de fleurs qui s’étendait sur des milliers de lis au sud-ouest, mais était sucré à l’excès et bon marché, tel la langue d’un serpent venimeux (NT : métaphore pour une douceur engourdissante et dangereuse), dont un seul effleurement faisait tourner la tête.

Mu Zhe était assis sur une chaise, observant la jeune femme derrière la gaze légère : ses sourcils relevés comme ceux d’un renard immortel, ses yeux brillants comme des ondulations d’eau, ses lèvres semblables à du sang, mais auxquelles manquait une part de la séduction qu’elle possédait autrefois. Il la regardait avec une multitude de mines d’extase, puis soudain son visage se mua en douleur ; à travers la personne devant lui, il interrogea l’âme solitaire qui s’était déjà éteinte et dissipée depuis plusieurs années : « Pourquoi n’as-tu pas donné naissance à une fille qui te ressemble exactement ? »

Feng Xiaojin ne répondit pas, se contentant de fermer les yeux avec indifférence. Il pouvait entendre le son des pas de l’autre qui s’approchaient progressivement, restaient immobiles un long moment, puis une main vieille et rugueuse comme l’écorce d’un arbre se posa sur son visage.

« Pourquoi, à l’époque, ne m’as-tu pas attendu ? Pourquoi être partie avec ce fonctionnaire portant le nom de Tan, ce chien de bureaucrate ? » continua Mu Zhe. « Elles disent même que c’est toi qui t’es rachetée toi-même. »

Il ne comprenait pas : puisqu’elle avait de l’argent, pourquoi n’avait-elle pas accepté de quitter la Qinhuai avec lui.

Feng Xiaojin, lui, comprenait. Quel choix ferait une courtisane si elle se retrouvait face à un voyou pourchassé par la cour impériale et, en même temps, face à un jeune aristocrate de la capitale, élégant et séduisant, ? Il n’était pas difficile de le deviner.

Mu Zhe s’était tourmenté des années durant, uniquement parce qu’il refusait d’admettre la vérité. Refusait d’admettre que la déesse pure comme la glace et le jade qu’il portait dans son cœur était, en réalité, semblable à la majorité des femmes de ce monde, attentive au rang et au statut des hommes ; il refusait d’admettre qu’elle ne l’avait jamais vraiment choisi ; refusait d’admettre que leur séparation, qu’il s’imaginait tragique et déchirante, n’était qu’unilatérale. Ironique, vraiment : lui, un chef de secte démoniaque expert à jouer avec les cœurs humains, se retrouvait lui-même prisonnier des faiblesses du cœur, fuyant, lâche, incapable de résoudre la question la plus simple, la ruminant des années durant au point d’être poussé au bord de la folie.

Feng Xiaojin ne pensait pas que sa mère fût une femme particulièrement mauvaise, ni qu’elle fût une femme particulièrement bonne ; au fond, elle n’était qu’une personne banale, ordinaire. Jeune, elle avait rencontré un beau jeune homme issu d’une famille prestigieuse ; elle avait tenté un pari, et, malheureuse, elle avait perdu. Sa vie entière s’en était retrouvée ruinée.

Il ne se souvenait même plus du visage de celui qu’on disait être son père. L’année de ses huit ans, il avait tué le marchand de tofu, emporté toutes les affaires de valeur de la maison et s’était dirigé vers le nord. Après d’innombrables épreuves, il était enfin parvenu à la capitale en plein cœur de l’hiver glacial. La ville était si vaste qu’elle en était stupéfiante ; les rues étaient si larges que cinq attelages de carrosses pouvaient y circuler côte à côte ; sur le faîte de chaque maison se trouvaient sculptures et peintures, et les tuiles vernissées, sous les rayons directs du soleil, étincelaient à en aveugler les yeux.

Les gens n’étaient pas comme les voisins médisants de la petite bourgade : ils étaient bien vêtus ; les notables enveloppés de fourrures épaisses semblaient jouir d’un grand bonheur. La patronne d’une échoppe de brioches fut la première à remarquer le jeune garçon, pieds nus dans la neige ; elle poussa un cri, envoya précipitamment un employé chercher un vêtement propre et usé à l’arrière-cour, et lui fit signe : « Mon enfant, ne reste pas là, viens vite te réchauffer près du feu. »

Feng Xiaojin fut tiré dans la boutique par l’employé ; après avoir été lavé et changé, la patronne lui apporta des brioches fumantes et un bol de soupe chaude, et demanda : « Es-tu venu à la capitale pour retrouver des proches ? »

« Oui. » Feng Xiaojin, tenant sa soupe chaude, regardait les rubans rouges suspendus aux arbres à l’extérieur, et demanda avec envie : « Tante, la capitale est-elle toujours aussi animée au moment du Nouvel An ? »

« Nous ne sommes encore qu’au neuvième jour du dernier mois lunaire, ce n’est pas encore le Nouvel An. Si l’on accroche des rubans rouges, c’est parce que la résidence des Tan célèbre un heureux événement : Seigneur Tan prend une concubine aujourd’hui. » La patronne sourit. « Mon fils ira tout à l’heure mendier des sucreries, tu peux venir jouer avec lui. À propos, comment s’appellent tes proches ? Où vivent-ils ? Je peux peut-être t’aider. »

La résidence Tan, Seigneur Tan. Feng Xiaojin releva la tête : « Est-ce la résidence des Tan de la rue Zhengyang ? Quel Seigneur Tan ? »

« Oui, celle de la rue Zhengyang. Il n’y a qu’une seule résidence Tan dans toute la capitale. » dit la patronne. « Seigneur Tan Xiaozhong accueille aujourd’hui la troisième demoiselle de la famille Zhou comme concubine. »

Les doigts de Feng Xiaojin dérapèrent légèrement ; la farce sucrée de cacahuète et de sucre roux de la brioche s’écoula, tiède, remplissant sa paume. Il demanda : « Seigneur Tan prend une concubine… alors qui est son épouse ? »

« La fille du ministre Li du Ministère des Finances. Lorsqu’ils se sont mariés, c’était bien plus animé qu’aujourd’hui. » La patronne avait ouvert son sac à paroles : c’était il y a onze ou douze ans ; à l’époque, elle-même n’était pas encore mariée, et elle se tenait au bord de la rue, regardant le cortège nuptial majestueux avancer dans la grande avenue. Le jeune maître Tan, chevauchant en tête sur un cheval, le visage beau comme du jade sculpté et le sourire doux comme la brise printanière, avait, en un seul regard, fait de lui le rêve de nombreuses jeunes filles de la capitale.

Feng Xiaojin pensa : onze ou douze ans auparavant.

À ce moment-là, sa propre mère, enceinte ou le portant dans ses bras, devait être dans cette humble échoppe de tofu, regardant chaque jour vers le nord avec obsession. Elle croyait qu’il l’attendait, croyait que si elle parvenait à rejoindre la capitale et paraître devant lui, ils pourraient encore devenir des amants réunis. Ce qui avait mené à la situation actuelle n’était pas la cruauté du cœur des hommes, mais l’ironie cruelle du destin.

Elle pensait que cet homme l’aimait, et racontait souvent en cachette à son fils leur brève rencontre, les promesses de l’homme, la splendeur de la capitale, et ces « beaux jours à venir » qui n’existaient que dans son imagination.

« Ton père viendra nous chercher. » disait-elle.

Feng Xiaojin y crut alors : son père irait forcément à Qinhuai pour les récupérer, sa mère et lui. Une fois qu’il constaterait leur absence, il enverrait ses domestiques fouiller chaque recoin, à la manière d’un fou. Feng Xiaojin, lui, poursuivit ce rêve extravagant, serrant les dents tout au long de son périple jusqu’à la capitale.

Mais dès le premier jour de son arrivée, il vit son père prendre une concubine, alors qu’il avait déjà une épouse, un fils et une fille.

Feng Xiaojin termina silencieusement sa brioche, puis suivit le fils de la patronne pour se rendre à la porte de la résidence Tan. Le majordome, vêtu de soie brochée, souriait largement et distribuait des friandises aux enfants. La vieille femme de service criait à pleins poumons des « Que les fils soient nombreux et la fortune abondante » (NT : idiome traditionnel annonçant prospérité et descendance), tandis que tout autour le tumulte était si intense qu’il semblait faire vriller le cerveau. Dans cette douleur aiguë comme rongée par des fourmis, Feng Xiaojin vit pour la première fois son père, vêtu de rouge sur un cheval blanc, riant de toutes ses dents, sans même jeter un regard vers lui, se précipitant pour accueillir la nouvelle épouse.

Toutes les caisses étaient enveloppées de rubans rouges soyeux ; certains furent emportées par le vent et tombèrent à terre, piétinés jusqu’à devenir sales. Feng Xiaojin pensa à sa mère : en huit ans, elle n’avait jamais pu acheter un seul nouveau morceau de tissu.

« Espèce de petit idiot. » Une femme plus âgée le frappa soudainement sur l’épaule. « Le Seigneur Tan se marie, un événement si heureux, pourquoi pleurer ? Fais attention que le régisseur ne te voie pas et ne te gronde. Où habites-tu ? Ou sont tes parents ? »

« Morts. » répondit Feng Xiaojin, à travers la brume humide couvrant ses yeux, en regardant la silhouette élégante sur le cheval. « Mère est morte, père aussi. »

« Oh là là. » dit la femme avec un peu de regret, baissant la voix, « je n’aurais pas dû demander. Arrête de pleurer, où habites-tu donc ? »

Feng Xiaojin la repoussa et sortit lentement de la foule.

Il ne voulait plus reconnaître ce père, même si, quelque part, il restait une infime possibilité qu’il accepte de le reconnaître. Il ne voulait pas non plus raconter à nouveau toutes les souffrances endurées avec sa mère pendant ces huit années, juste pour obtenir la curiosité, la pitié ou la compassion bon marché des habitants de cette grande demeure, dont peut-être même la sympathie ne viendrait jamais. Lui, il serait simplement chassé comme un chien errant.

Ce rouleau de ruban rouge tombé à terre représentait pour sa mère un effort équivalant à six mois de travail à la meule en pierre avant de pouvoir se le permettre. Feng Xiaojin marcha, hanté, imaginant que, pendant qu’il subissait la faim, le froid et les mauvais traitements dans cette échoppe de tofu pour avoir perdu une seule pièce de cuivre, les gens de la résidence Tan s’occupaient de quoi?

Plus il y pensait, plus il devenait anxieux et en colère. Après cette anxiété et cette colère, il ressentit la fatigue et l’engourdissement ; il marchait comme un mort-vivant dans la capitale sous une neige tumultueuse. Ses chaussures mal ajustées tombaient de ses pieds, sans qu’il ne sente le froid, jusqu’à ce qu’il s’effondre finalement dans la neige.

Il crut qu’il allait mourir, mais finit par se réveiller, dans un carrosse qui tanguait, entouré d’un cercle d’hommes ivres.

« Où sont les soldats ? » demanda-t-il.

« Ne t’inquiète pas, nous les avons semés. »

Ils parlaient, riaient aux éclats. L’homme à la tête du groupe, voyant que Feng Xiaojin s’était réveillé, le saisit et lui lança un autre pichet de vin.

« Petit bâtard, je parie que tu n’as nulle part où aller. Allez, viens avec moi vers l’Est pour te faire une vie. »

Feng Xiaojin prit le pichet, but d’un trait, s’étranglant presque dans sa toux.

Il ne demanda pas qui ils étaient, mais rien qu’avec la phrase « nous avons semé les soldats», il devinait assez bien : ils étaient les ennemis de l’État, c’est-à-dire les ennemis de ce soi-disant « père ».

Feng Xiaojin accepta : « Très bien. »

Dès lors, il devint le bandit redouté qui terrorisait le peuple.

Il avait juré de tuer toute la famille Tan, pour qu’ils accompagnent sa mère dans la mort. Ainsi, il s’entraîna assidûment et, cinq ans plus tard, l’occasion se présenta.

Tan Xiaozhong fut chargé par l’ordre impérial de transporter des fonds de secours vers le sud. Bien qu’il eût toute une armée avec lui, il souffrit des difficultés du terrain et fut pris en embuscade par la bande de Feng Xiaojin, qui dispersa les troupes, les cris résonnant entre les montagnes, le sang formant des rivières.

Feng Xiaojin posa son long sabre sur le cou de Tan Xiaozhong.

Tan Xiaozhong, misérablement étendu au sol, paraissait, peut-être à cause de la boue qui lui couvrait le visage, bien plus âgé que le jour où il avait pris une concubine : des rides étaient nées, des cheveux blancs avaient poussé. Il se mit à injurier violemment, accusant les bandits d’inhumanité absolue : « En amont et en aval du fleuve Bai, combien de gens du peuple attendent ces fonds et ces vivres ! Ils vont mourir de faim, ils vont mourir de faim, et vous osez même dérober les secours destinés à la catastrophe, maudits vauriens ! Brutes ! »

« Mourir de faim, est-ce une chose si rare ? » Feng Xiaojin le regarda de haut. « Il y a déjà sept ou huit ans, ma mère est morte de froid et de faim. Jusqu’à son dernier souffle, elle a attendu que l’homme qui lui avait fait des promesses sur une barque fleurie la retrouve. À cette époque, Seigneur Tan, où étiez-vous ? »

Tan Xiaozhong ne comprit pas le sens de ses mots. Il se redressa avec peine : « La cour sait précisément que la vie du peuple est difficile, voilà pourquoi elle a rassemblé des fonds et des vivres de partout. Si vous volez ces choses, il y aura des milliers et des milliers de femmes qui mourront elles aussi de froid et de faim. Au moins… au moins laissez la moitié du grain, que je puisse l’acheminer vers la zone sinistrée. »

Feng Xiaojin dit : « Ainsi, vous ne vous souvenez même plus d’elle. »

Tan Xiaozhong dit : « De quoi parles-tu ? »

« Je disais : si vous en êtes capable, reprenez-les-moi par la force. » lança froidement Feng Xiaojin avant de se retourner, de monter à cheval et de partir au galop. Il connaissait les lois de Dayan, savait ce qui attendait un fonctionnaire ayant perdu des secours destinés aux sinistrés : c’était bien plus divertissant que de le tuer.

Il laissa derrière lui Tan Xiaozhong continuant à hurler des injures.

Le vent finit par emporter tous les sons.

Mais Tan Xiaozhong mourut tout de même.

Toute la résidence, sans exception, mourut sous la main de Mu Zhe.

Alors qu’ils meurent.

pensa Feng Xiaojin.

Tous les hommes sont mortels.

***

Mu Zhe caressait son visage, refusant de retirer sa main. Il avait expressément bu un peu d’alcool et, dans cet état mi-ivre mi-lucide, contemplait avec fascination la beauté dont il avait été épris toute sa vie. Il ne se sentait nullement vieux : toujours jeune, plein d’une vitalité débordante.

« Tu n’es pas la moindrement dégradée. » dit Mu Zhe. « Très bientôt, très bientôt, je ferai de toi la femme la plus noble du monde entier. »

Le vent traversa la pièce, faisant vaciller la flamme au bord de l’extinction.

L’ombre sur le mur devint de plus en plus étrange.

 

Wumeng Yunle remit l’abat-jour de la lampe en place et demanda : « Combien de temps faudra-t-il encore pour que ta blessure guérisse ? »

« Je ne sais pas. Le chaman et A-Chang n’en sont pas certains. » Wumeng Yunyou fronça les sourcils. « J’ai l’impression que tous mes os sont douloureux. Comment se porte le village récemment ? »

« Beaucoup d’odieux gens du Nanyang sont arrivés. » dit Wumeng Yunle. « Tous les disciples sont en état d’alerte. Ils disent que l’armée de Dayan pourrait ne pas tarder à venir attaquer. »

Wumeng Yunyou émit un « tch » : « Comment pourraient-ils traverser indemnes cette forêt dense ? Et ce Ku You, refuse-t-il toujours de prêter attention à toi ? »

« Il consent à me parler. » dit Wumeng Yunle. « Cela suffit. »

« Mais j’ai entendu A-Chang dire l’autre jour que le Maître comptait l’utiliser pour récupérer la cargaison d’or perdue. »

« Je suis déjà allée demander au Maître. Il dit que Ku You ne sera pas envoyé ailleurs, qu’il restera toujours dans notre secte. »

« Il n’acceptera pas de t’épouser, et le Maître pourrait bien le tuer. »

Wumeng Yunle froissa son mouchoir entre ses doigts : « Mais le Maître sait que je l’aime. Je ne le laisserai pas mourir. Je veux qu’il devienne mon mari. »

Wumeng Yunyou n’avait aucune envie d’écouter les divagations d’une jeune fille. Il tira la couverture et se couvrit la tête : « Tu ferais mieux de revenir à la raison, ou de laisser Petit-Oncle t’expliquer clairement les choses. »

« Je ne l’ai pas vu depuis presque toute la journée. » Wumeng Yunle se retourna et regarda par la fenêtre. « Il semble être avec le Maître. »

***

Qingyao apporta encore une nouvelle lettre.

Comme Liang Shu l’avait deviné, l’adversaire avait choisi pour le lieu de l’échange un lac au sein de la forêt profonde.

Gao Lin dit : « Verser tous les lingots d’or et les trésors dans le lac ? »

« Les miasmes sont très denses dans cette zone. » dit Liang Shu. « Nos soldats ne pourront éviter d’en inhaler une trop grande quantité qu’en poussant les chariots, avançant et ressortant rapidement. Pour eux, c’est effectivement avantageux. »

« Le fait qu’ils aient choisi cet endroit prouve qu’ils ont déjà mesuré la profondeur du lac. » dit Liu Xian’an. « Devons-nous faire exactement ce qu’ils demandent ? »

« Rapatrions d’abord Ku You. Les métaux précieux, ils ne pourront pas les consommer dans l’immédiat. Tant que nous exterminons la secte Baifu dans un délai le plus court possible, nous n’aurons pas trop de pertes. » dit Gao Lin. « Le plus grand problème désormais, c’est qu’ils ne rendront probablement pas le véritable Ku You. »

Liang Shu regarda les membres du clan Wandao Yinyue.

« Que Votre Altesse se rassure. » dit l’un des hommes en joignant les poings. « Nous les suivrons, invisibles aux hommes comme aux esprits. »

« Alors que tout se déroule selon le plan. » Liang Shu ordonna à Cheng Suyue : « Va charger l’or et l’argent ! »

Gao Lin alla également aider, répétant mentalement : Ku You doit revenir, mais l’argent doit revenir avec lui, car notre prince a déjà planifié comment le partager. À la dérobée, il ramassa un lingot d’argent et incita ses hommes à accélérer. Un jeune soldat s’approcha : « Lieutenant-général Gao, devons-nous vraiment livrer tant d’argent ? »

« Oui. » Gao Lin lui posa lourdement la main sur l’épaule. « Notre commandant Ku vaut son prix, n’est-ce pas. »

Le soldat : « … »

Qu’est-ce que c’est que ça ? J’ai vaguement l’impression que le lieutenant-général Gao n’a pas l’air très inquiet…

Ils travaillèrent ainsi une nuit et un jour entiers, chargeant enfin tout l’or et l’argent sur les chariots, qui serpentèrent ensuite dans la forêt. Liang Shu menait personnellement l’escorte ; Cheng Suyue suivait en assurant la sécurité. À l’endroit où la brume était en train de s’épaissir, le lac apparut au loin.

Ku You était suspendu, attaché à un vieux tronc d’arbre tordu, couvert de sang, immobile. Sous son corps s’étendait le lac silencieux.

« Prince Xiao, versez tout. » Une femme vêtue de rouge se tenait dans la forêt. « Mieux vaut que nous nous abstenions tous de jouer au plus fin, autrement… » Elle regarda le mécanisme à son côté. « Il me suffit de trancher cette corde pour que des centaines et des centaines de flèches transpercent son corps. »

Cheng Suyue demanda d’une voix forte : « Si nous versons tous les trésors dans le lac, mais que vous tranchez tout de même la corde, alors ? »

« Mademoiselle, soyez rassurée, avec la Sainte Mère de Baifu à nos côtés, nous ne manquerons pas à notre parole. » La femme vêtue de rouge gloussa, « d’ailleurs, nous ne voulons que récupérer l’or et l’argent, nous n’oserions provoquer le Prince Xiao. Le Maître Mu Zhe, quant à lui, cherche encore à trouver une occasion de négocier avec le Prince, il ne jouera donc pas de tours à propos du commandant Ku. Ne suis-je pas dans le vrai ? »

Elle bondit aisément sur une branche pour mieux voir les adversaires : « Voici la manière d’échange la plus raisonnable que nous ayons pu imaginer. Même si vous trouvez cela injuste, il n’y a rien à faire. Si vous continuez à hésiter… » Entre ses doigts brûlait un bâton de bois enflammé, prêt à couper à tout instant la corde déclenchant le mécanisme.

Liang Shu ordonna : « Versez ! »

« Oui ! » Cheng Suyue fit un signe, et la première dizaine de soldats, le visage couvert de linges, poussèrent les chariots dans la forêt, vidant tout l’or, l’argent et les bijoux dans le lac. Immédiatement après, la deuxième équipe fit de même.

Troisième lot.

Quatrième lot.

Lorsque les dix derniers chariots eurent déversé les trésors dans le lac, la femme en rouge jeta sa torche dans l’eau et éclata de rire : « Le Prince Xiao tient bien sa parole ! Rassurez-vous, nous aussi ! »

Puis, elle tourna les talons et disparut légèrement dans la profondeur de la forêt marécageuse. Les autres disciples de la secte Baifu s’évanouirent bientôt à leur tour, ne laissant derrière eux que Ku You, suspendu seul au centre du lac.

Liang Shu bondit en avant et, d’un coup d’épée, trancha la corde. Ku You, flottant dans l’air, ouvrit les yeux avec confusion, cracha un flot de sang, hébété, ses yeux d’or hébété, et murmura : « Je… ils… où… je… »

Avant même de finir sa phrase, ses yeux s’écarquillèrent ! Liang Shu portait de fins gants de soie céleste presque invisibles, et les mains de Ku You, sur le point de lancer une attaque sournoise, furent brisées jusqu’aux os ! Plusieurs insectes gu tombèrent dans le lac en bourdonnant. Liang Shu le fit basculer d’un genou, l’obligeant à inspirer violemment, étouffant son cri de douleur. Tous deux tombèrent dans la forêt, et Cheng Suyue déploya aussitôt un immense filet pour envelopper le blessé de la tête aux pieds.

« Ramenez immédiatement le capitaine Ku ! » cria-t-elle à pleins poumons.

La femme en rouge, cachée dans la forêt, les observa disparaître avec satisfaction.

Les membres du clan Banyue, manieurs de sabre-croissant d’argent, les suivirent silencieusement.

***

Liu Xian’an attendait anxieusement dans le camp. Quatre mille huit cents ans d’expérience de l’Immortel endormi, et il pouvait pourtant ressentir de l’inquiétude : le Prince Xiao avait véritablement une grande influence. Il marchait sans cesse de long en large, ce qui fit tourner la tête à Gao Lin, qui n’osa rien dire et se tourna vers les deux autres membres de la famille Liu, sans résultat. Car dans le domaine du manoir Baihe, il y avait consensus : voir le jeune maître marcher était un événement aussi festif que le Nouvel An ; il était inutile de l’encourager ou de tenter de l’arrêter.

Ainsi, le lieutenant-général Gao continua de se sentir étourdi, jusqu’au moment où un vacarme se fit entendre à l’entrée du camp :

Les jeunes soldats crièrent, enthousiastes.« Le capitaine Ku est de retour ! Le capitaine Ku est de retour ! »

Tout le monde se précipita à la porte. Gao Lin, en voyant l’expression de son prince, comprit : « Eh bien, celui qui revient est vraiment un imposteur. »

Tout en jouant la comédie, il chuchota à sa sœur : « Déjà découvert si rapidement ? Je pensais que la secte Baifu aurait sélectionné soigneusement pendant des heures, et que le faux Ku You qu’ils ont entraîné ferait hésiter le prince au moins un instant. »

« Moi aussi, je me demande. Le prince a immédiatement brisé les os de son poignet, et l’a assommé. » décrivit Cheng Suyue. « Sur le chemin, j’ai regardé : son visage était identique à celui de Ku You, ses yeux pareil, et même les traces de son masque de déguisement étaient indécelables. »

Gao Lin était perplexe : comment le prince avait-il découvert le déguisement ?

 

 

Traducteur: Darkia1030