HSAV - Chapitre 182 - Je vis toujours dans ce monde, mes cheveux blancs comme neige.

 

De manière inattendue, Xiao YuAn se leva en tremblant, s’essuya le visage avec sa manche et dit : « Général Xue, puis-je vous demander deux choses ? »

« Tu veux me demander quelque chose ? » Xue Yan n’en revenait pas.

« Oui. »

« Il n’y a pas de mal à demander. »

Xiao YuAn répondit : « La première demande : après ce soir, pouvez-vous renvoyer le corps de Xie Chungui au manoir Xie ? »

« Le manoir Xie... alors, est-il vrai que l’homme de tout à l’heure était le fils de la famille Xie, mort pour le pays autrefois ? » murmura Xue Yan. « La loyauté et la droiture doivent être respectées. D’accord, je te le promets. Quelle est l’autre demande ? »

Xiao YuAn regarda au loin. L’immense Palais Impérial conservait encore l’ombre du Royaume du Nord dans chacun de ses recoins. Chaque plante, chaque arbre, chaque fleur, chaque pierre, chaque sculpture, chaque bâtiment peint, chaque pavillon en portait la trace.
Cependant, rien de tout cela ne se reflétait dans les yeux de Xiao YuAn, car son regard était vide.

« Pour cette finale, pouvez-vous me laisser le faire moi-même ? »

Xue Yan demeura stupéfait, mais il hocha la tête et lui remit sa longue épée.

Xiao YuAn prit l’arme, recula de quelques pas à la recherche d’un espace dégagé couvert de neige épaisse et s’agenouilla. Il prit une profonde inspiration, plaça la lame sur le côté, puis se prosterna treize fois.
À chaque prosternation, il murmurait : « Désolé. »
Lors de la dernière, son front saignait, et le sang dégoulina sur son visage.

Je suis désolé, j’ai laissé le tigre retourner à la montagne (NT : idiome signifiant épargner un ennemi dangereux, qui reviendra pour se venger).
Je suis désolé de n’avoir pu protéger le Royaume du Nord.
Je suis désolé que, même maintenant, je veuille toujours voir Yan HeQing régner sur les quatre royaumes.
Je suis désolé que, même en ayant ce corps, je veuille toujours être Xiao YuAn. »

Je suis désolé, j’ai fait de mon mieux. Mais à la fin, je fus vaincu par la volonté du Ciel, et je ne pus changer ce destin.
Si tel est le cas, puis-je faire amende honorable avec ma propre vie ?
Tout comme je me suis suicidé une fois pour dédommager mon frère, qui me haïssait tant de l’avoir abandonné.
Serait-il possible de se débarrasser de toute rancune et de toute haine ainsi ?

Après s’être prosterné, Xiao YuAn endura la douleur et les vertiges qui l’envahissaient, baissa les yeux et ramassa la longue épée à ses côtés. La plaçant sur son cou, il se tourna vers Xue Yan et dit : « Général Xue, j’ai quelque chose que je veux que vous disiez à Yan HeQing pour moi. »

Soudain, un vent glacial se déchaîna devant eux. Le monde entier semblait pleurer, et la neige rugissante couvrait presque la voix de Xiao YuAn.

Au même instant, Yan HeQing, allongé dans sa chambre, ouvrit lentement les yeux. Le médecin à côté de lui s’écria avec joie : « Votre Majesté, vous êtes réveillé ! Comment vous sentez-vous ? »

À cause de la perte de sang, les lèvres de Yan HeQing étaient pâles et son esprit encore embrumé. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler ce qui s’était passé avant qu’il ne s’évanouît. Puis, malgré les quatre personnes qui tentèrent de le retenir, il couvrit sa blessure et se leva. « Xiao YuAn ? »

« Xiao YuAn ? Qui est-ce ? Ah ! Votre Majesté, vos blessures ! » cria le médecin, balayé par le bras de Yan HeQing.

Yan HeQing tituba hors de la chambre, se tenant au pilier à l’extérieur. Il haletait, mais ne tomba pas. Levant la tête, il chercha anxieusement la silhouette de Xiao YuAn.
Lorsqu’il aperçut l’homme agenouillé dans la neige, ses yeux s’illuminèrent de joie.
Il voulut crier, mais la perte de sang l’en empêcha ; aucun son ne sortit de sa gorge.
Il ne put qu’avancer, laissant derrière lui une traînée rouge sur la neige blanche, aussitôt recouverte par le vent et les flocons.

Non loin de là, Xiao YuAn, toujours agenouillé, plaça la longue épée contre son cou. Puis, il tourna la tête vers Xue Yan et dit : « Dites à Yan HeQing qu’il doit bien vivre pour le reste de sa vie. Je veux voir… je veux voir à quoi ressemblera son monde prospère, paisible et florissant, son pays. »

Cette phrase, prononcée mot à mot, se propagea jusqu’aux oreilles de Yan HeQing. Lorsqu’il comprit que quelque chose n’allait pas, il voulut se précipiter, mais son corps affaibli l’en empêcha. Tout devant lui s’effaçait dans la blancheur tragique de la neige.

Appuyant sur sa blessure, une douleur déchirante l’envahit, mais Yan HeQing regretta seulement que cette douleur ne fût pas assez forte pour le maintenir éveillé plus longtemps.
Tendant la main, il cria d’une voix brisée : « Xiao… Xiao Yu—… »

Cependant, le vent et la neige se firent trop lourds ; la voix de Yan HeQing était trop faible pour l’atteindre.
En fin de compte, Xiao YuAn ne regarda jamais dans la direction de Yan HeQing, du début à la fin. Il ferma simplement les yeux, tenant la poignée de l’épée de ses mains tremblantes.

Puis, une lueur argentée fendit le ciel et se refléta au fond des yeux de Yan HeQing.

Pendant un instant, le monde devint rouge et blanc, tandis que Yan HeQing observait, impuissant, le corps de Xiao YuAn s’effondrer.
Cette chute sembla durer une éternité, mais lorsqu’il toucha enfin le sol, l’impact fut si brutal que la neige se souleva de plusieurs centimètres.
Yan HeQing tomba à genoux avec lui ; sa poitrine lui donna l’impression qu’on y avait arraché le cœur pour le broyer encore et encore contre la terre.
Il murmura faiblement le dernier mot : « An… », avant de s’évanouir dans la neige, emporté par la perte de sang.

Alors que le liquide écarlate s’infiltrait dans la blancheur et teintait la terre, leurs mains restèrent étendues, séparées de quelques mètres seulement.

 

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L’auteur a quelque chose à dire :

À propos du président Xiao…

Quand il était enfant, il assista au suicide de sa mère.
Cet événement lui fit comprendre très tôt qu’il existait une manière de mourir.
Plus tard, le ressentiment de son frère façonna son caractère, au point qu’il devint un être enclin à sombrer facilement dans un extrême remords et une profonde culpabilité.

Ainsi, le président Xiao était en réalité quelqu’un qui souriait toujours en surface, mais demeurait extrêmement fragile à l’intérieur.

 

Traducteur: Darkia1030

 

 

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