HSAV - Chapitre 183 - Dans les profondeurs des Sources jaunes.

 

On disait qu’après la mort, les âmes apercevaient une sorte de traversée en barque, guidées par Tête de Taureau et Face de Cheval (NT : les gardiens des portes de l’enfer), jusqu’à Meng Po (NT : la vieille femme mythologique qui fait boire la soupe de l’oubli aux morts avant leur réincarnation) dans les Sources Jaunes.

Mais lorsque Xiao YuAn ouvrit les yeux, la seule chose qu’il distingua fut un chaos blanc et brumeux. Debout, immobile, il observa autour de lui, l’esprit encore engourdi.

Soudain, quelqu’un passa devant lui en courant.
C’était Xie Chungui.

Xie Chungui ne cessait de crier : « Attends-moi ! Attends-moi ! » encore et encore.
Puis, une silhouette se dessina devant lui.

Cet homme se retourna lentement. Ses traits étaient nobles, mais le sourire qu’il portait paraissait un peu niais. Il rattrapa Xie Chungui, qui venait de trébucher, et dit doucement : «J’attends, ne t’inquiète pas. J’ai attendu tout ce temps. »

Les yeux de Xie Chungui se teintèrent lentement de rouge. Une ombre de chagrin traversa le visage de ce général réputé intrépide sur le champ de bataille. Sa voix s’étrangla : «Général Li, je… je n’ai pas réussi à protéger le Royaume du Nord… je n’ai pas pu sauver mon frère d’armes… »

Li Wuding tendit la main et lui ébouriffa les cheveux. « Toi, ah, quel âge as-tu donc ? Toujours à vouloir agir en adulte, à porter tous les fardeaux sur tes épaules. Pourquoi n’es-tu pas revenu vers moi à quatre-vingts ans, hein ? Quelle hâte avais-tu ? Je t’ai attendu tout ce temps, n’est-ce pas ? Allons, ne pleure plus. Nos frères nous attendent devant, nous ne pouvons pas les laisser te voir ainsi. Il me suffit de te savoir comme ça. »

Xie Chungui essuya ses larmes et hocha vigoureusement la tête : « Oui. »

Li Wuding rit, lui frotta les cheveux jusqu’à les mettre en désordre, puis ajouta encore quelques mots avant de se tourner vers Xiao YuAn.

Xiao YuAn le fixa et murmura : « Je suis désolé… »

Li Wuding secoua la tête et répondit avec un sourire : « Votre Majesté, il est parfois bien plus douloureux de continuer à vivre. Croyez-vous qu’il vaille mieux survivre avec la conscience d’une trahison, ou mourir pour son pays ? De plus, lorsque vous avez destitué les ministres félons pour le bien du peuple, nous l’avons tous vu de nos propres yeux. Protéger le monarque et le royaume fut le choix de nos frères d’armes. Alors, de quoi vous blâmeriez-vous ? »

Après avoir parlé, Li Wuding joignit les poings et salua solennellement Xiao YuAn. Puis, il se détourna et s’éloigna aux côtés de Xie Chungui. Tous deux disparurent peu à peu dans le brouillard blanc.

Xiao YuAn fit quelques pas pour les suivre, mais soudain, il entendit quelqu’un l’appeler : «Votre Majesté. »

Cette voix, si familière, fit frémir tout son corps. Il se retourna brusquement.

Elle se tenait là, exactement comme la première fois qu’il l’avait vue : ses cheveux relevés en un chignon gracieux, vêtue d’une robe verte. Sa voix était aussi douce qu’il s’en souvenait, et son sourire aussi lumineux. Elle s’inclina et dit : « Votre Majesté. »

Les yeux de Xiao YuAn s’écarquillèrent : « Hong Xiu… »

« Votre Majesté, c’est moi. Que puis-je faire pour vous ? » demanda Hong Xiu avec un sourire paisible.

Xiao YuAn contempla ce sourire, puis répondit d’une voix rauque : « Je… je ne suis pas l’Empereur du Royaume du Nord. Je… je ne suis pas ton Empereur… »

Je ne suis pas le monarque du Royaume du Nord… Je me demande si Hong Xiu, qui donna sa vie autrefois pour l’Empereur, regretta jamais son choix ?

Hong Xiu demeura interdite. Elle réfléchit un moment, puis demanda : « Quand j’étais malade, celui qui prit soin de moi et me fit rire, était-ce vous ? »

Xiao YuAn resta stupéfait un long moment avant de répondre : « C’était moi… »

« Celui qui me permit de sortir du palais pour rendre visite à ma sœur, et qui rédigea lui-même l’édit impérial afin que je puisse emmener le médecin royal sans souci, était-ce vous ? »

« C’était moi… »

« Celui qui m’offrit une épingle à cheveux rouge soigneusement choisie, était-ce vous ? »

Xiao YuAn hocha lentement la tête : « C’était aussi moi… »

Hong Xiu sourit, se tourna vers lui et l’appela avec une voix ferme : « Votre Majesté. »

Alors, Xiao YuAn éclata soudain en sanglots, comme une source jaillissante.

Hong Xiu s’avança et essuya doucement les larmes qui coulaient sur son visage : « Que se passe-t-il, Votre Majesté ? Quelque chose ne va pas ? »

Xiao YuAn pleura de plus belle ; sa voix se brisa dans ses sanglots. Incapable d’articuler un mot, il secoua seulement la tête, encore et encore.

Hong Xiu sourit doucement et dit d’un ton apaisant : « Votre Majesté, j’espère que vous pourrez vivre une bonne vie. Prenez bien soin de vous, et ne prenez pas votre existence à la légère, d’accord ? »

Xiao YuAn sanglota et hocha la tête. Hong Xiu posa alors ses mains sur ses épaules et le poussa doucement dans la direction opposée : « Votre Majesté, quelqu’un vous attend toujours. Allez vite. »

Sous cette impulsion soudaine, Xiao YuAn ouvrit les yeux dans un calme absolu.

 

Traducteur: Darkia1030