Python - Chapitre 3

 

Le shou en resta pétrifié.

Il ne savait pas que certains directeurs adjoints pouvaient avoir deux visages : sérieux et impeccable le jour, séducteur et dévergondé la nuit. Deux visages en tout.

Le shou rentra le cou, dissimula son visage derrière son verre, espérant ne pas être reconnu. Après tout, ils ne s’étaient croisés qu’une fois, la probabilité était faible.

Mais le gong s’adossa nonchalamment au bar et dit avec un petit rire : « À peine quelques jours sans se voir et tu ne me reconnais déjà plus ? »

« … »

Le shou se força à relever la tête et croisa des yeux de pêche pleins d’électricité.

Il agita maladroitement la main, embarrassé : « Bonsoir, monsieur le directeur adjoint… Vous avez dîné ? »

Le gong rit doucement contre le bord de son verre. Son rire, encore plus séduisant que tout à l’heure, s’accompagna d’un regard de chasseur posé sur le shou : « Pas encore. »

La tête du shou tourna, comme si une partie de son âme s’était envolée.
Sa voix devint un peu flottante : « Alors allez vite manger, il ne faut pas faire attendre votre petit ami. »

Le gong comprit qu’il parlait du jeune homme d’avant et expliqua d’un ton neutre : « Je ne le connais pas. »

Le shou retrouva un peu de lucidité. Encore un coureur de jupons, pensa-t-il.

 

Le gong se pencha davantage, passa une main autour de la taille du shou, caressa légèrement son flanc et mordilla son oreille.

« Je ne veux pas dîner. »

« Je veux te manger, toi. »

Tout le corps du shou se liquéfia.

Il n’avait aucune expérience. C’était un shou naïf, incapable de résister à la moindre provocation — surtout face à un homme aussi expérimenté que lui.
Il ressemblait à un poussin entre les mains d’un vieux renard.

Sous la lumière tamisée, le gong paraissait encore plus séduisant. L’esprit du shou se brouilla.

Il se rappela pourquoi il était venu : pour se libérer, s’amuser, oublier. Et voilà qu’un homme pareil venait s’offrir à lui — quelle aubaine.

Mieux encore : si le sexe était bon, il pourrait prendre une photo et l’envoyer à son ex, ce salaud, pour l’humilier.

Le plaisir de la vengeance lui monta au cerveau. Il prit sa décision : il accepta.

 

Le shou monta dans la voiture du gong, comme poussé par un démon. Ils firent l’amour directement sur le siège arrière.

C’était la première fois que le shou essayait dans une voiture. L’espace du 4x4 Range Rover était plutôt grand, mais il se froissa le bas du dos, ce qui gâcha un peu l’expérience.

Le gong, lui, parut très satisfait. Il semblait même en vouloir encore : son sexe, à moitié dressé, pressait contre les fesses du shou quand il demanda s’ils ne devraient pas continuer chez lui.

Le shou referma froidement la fermeture éclair de son pantalon : « Pas la peine. »
Puis il descendit de la voiture sans se retourner.

Vraiment, une séparation sans émotion.

Il héla un taxi pour rentrer. La fenêtre ouverte laissait entrer l’air froid, et il se sentit soudain ridicule.

Jamais il n’aurait imaginé en arriver là : coucher avec un homme rencontré une seule fois.
Certes, c’était pour se venger de son ex, mais en agissant ainsi, n’était-il pas en train de devenir le même genre d’homme qu’il méprisait ?

Peut-être était-il, lui aussi, quelqu’un de frivole, pensa le shou en baissant tristement la tête.

 

Les jours suivants reprirent leur cours.
Cette nuit-là lui sembla un rêve érotique, dont il ne restait qu’une trace sur ses sous-vêtements.

Le shou se dit qu’il ne fallait pas y penser : ce n’était qu’une aventure d’un soir, rien de grave.

Une semaine plus tard, le directeur technique vint le voir. Le client de la fois précédente, très exigeant, demandait une seconde présentation.

Le shou chercha dans ses souvenirs, se rappela de quel client il s’agissait — et eut l’impression d’être frappé par la foudre.

Il ne pouvait pas refuser.
Il remit donc son costume et ses nouvelles chaussures en cuir marron, et se rendit de nouveau dans l’entreprise du gong.

Celui-ci portait une chemise foncée, assis bien droit au centre de la table, ses lunettes à monture métallique accentuant encore son air sérieux et distingué.

Le shou, nerveux, évita son regard de peur qu’un malaise n’éclate.

Mais au moment où leurs yeux se croisèrent brièvement, le visage du gong resta parfaitement impassible — aussi calme que s’il regardait un inconnu.

Le shou soupira de soulagement.

Mais en même temps, il se sentait un peu mal à l'aise. Se pourrait-il qu'il ait enchaîné les conquêtes et qu'il l'ait complètement oublié ?

Ce salaud !

 

Traduction: Darkia1030